Pour Nathalie
Cet homme a pose sa tête sur le Temps. Il a patiemment oublié ce qu'il savait des identités et des morcellements. Il a seulement tendu l'oreille. De ce guet passionné, voici le résultat : une ronde souveraine.
Des couleurs que tout séparait, des saisons aussi éloignées que l'automne et le printemps, des bribes les plus diverses de l'univers soudain rassemblées, comme les phalènes par la lumière, toutes et tous ont accouru, attirés par la doublé et rare nouvelle, premièrement qu'il existait sur terre un homme admis dans l'intimité du Temps et, deuxièmement, que cet homme, de tableau en tableau, n'arrêtait pas de fêter ses noces à nulles autres pareilles.
Depuis bientôt trente ans que je connais Endre, ma certitude se renforce que, du mont Ararat a la bonne ville de Mohàcs (Hongrie), il descend, en ligne directe, du grand Noé, le célèbre collectionneur. Mais au fil des générations, la race s'est améliorée et la curiosité ou l'insolence des humains s'est affinée. Notre Rozsda ne se contente pas, comme son ancêtre biblique, de convier dans son Arche des espèces bien connues et longuement répertoriées. Il accueille des moments, des rythmes, de très vieux souvenirs, comme les ruines de religions ensommeillées et une foule de détails, éberlués d'être ainsi célébrés.
A croire que, sous son air de seigneur,
impavide et magnifique, il est assez
fou d'orgueil pour ne vouloir sauver
du déluge qu'un seul animai, insaisissable et
chatoyant : la vie.
Moi aussi, impressionné par cet exemple, je lutte contre ma nature agitée et passe de plus en plus d'heures, la tête posée sur le Temps. je ne perds pas espoir : un jour je finirai bien par entendre la musique qu'il a trouvée en Hongrie ou ailleurs et qui fait danser sa ronde. En attendant, il m'aura appris a suivre, malgré le vacarme ambiant, le dialogue entre la gravite et la liberté. Merci a lui et a l'Europe de n'être plus déchirée par des rideaux métalliques.
Paris, février 1998
Pour Nathalie
Cet homme a pose sa tête sur le Temps. Il a patiemment oublié ce qu'il savait des identités et des morcellements. Il a seulement tendu l'oreille. De ce guet passionné, voici le résultat : une ronde souveraine.
Des couleurs que tout séparait, des saisons aussi éloignées que l'automne et le printemps, des bribes les plus diverses de l'univers soudain rassemblées, comme les phalènes par la lumière, toutes et tous ont accouru, attirés par la doublé et rare nouvelle, premièrement qu'il existait sur terre un homme admis dans l'intimité du Temps et, deuxièmement, que cet homme, de tableau en tableau, n'arrêtait pas de fêter ses noces à nulles autres pareilles.
Depuis bientôt trente ans que je connais Endre, ma certitude se renforce que, du mont Ararat a la bonne ville de Mohàcs (Hongrie), il descend, en ligne directe, du grand Noé, le célèbre collectionneur. Mais au fil des générations, la race s'est améliorée et la curiosité ou l'insolence des humains s'est affinée. Notre Rozsda ne se contente pas, comme son ancêtre biblique, de convier dans son Arche des espèces bien connues et longuement répertoriées. Il accueille des moments, des rythmes, de très vieux souvenirs, comme les ruines de religions ensommeillées et une foule de détails, éberlués d'être ainsi célébrés.
A croire que, sous son air de seigneur,
impavide et magnifique, il est assez
fou d'orgueil pour ne vouloir sauver
du déluge qu'un seul animai, insaisissable et
chatoyant : la vie.
Moi aussi, impressionné par cet exemple, je lutte contre ma nature agitée et passe de plus en plus d'heures, la tête posée sur le Temps. je ne perds pas espoir : un jour je finirai bien par entendre la musique qu'il a trouvée en Hongrie ou ailleurs et qui fait danser sa ronde. En attendant, il m'aura appris a suivre, malgré le vacarme ambiant, le dialogue entre la gravite et la liberté. Merci a lui et a l'Europe de n'être plus déchirée par des rideaux métalliques.
Paris, février 1998
Pour Nathalie
Cet homme a pose sa tête sur le Temps. Il a patiemment oublié ce qu'il savait des identités et des morcellements. Il a seulement tendu l'oreille. De ce guet passionné, voici le résultat : une ronde souveraine.
Des couleurs que tout séparait, des saisons aussi éloignées que l'automne et le printemps, des bribes les plus diverses de l'univers soudain rassemblées, comme les phalènes par la lumière, toutes et tous ont accouru, attirés par la doublé et rare nouvelle, premièrement qu'il existait sur terre un homme admis dans l'intimité du Temps et, deuxièmement, que cet homme, de tableau en tableau, n'arrêtait pas de fêter ses noces à nulles autres pareilles.
Depuis bientôt trente ans que je connais Endre, ma certitude se renforce que, du mont Ararat a la bonne ville de Mohàcs (Hongrie), il descend, en ligne directe, du grand Noé, le célèbre collectionneur. Mais au fil des générations, la race s'est améliorée et la curiosité ou l'insolence des humains s'est affinée. Notre Rozsda ne se contente pas, comme son ancêtre biblique, de convier dans son Arche des espèces bien connues et longuement répertoriées. Il accueille des moments, des rythmes, de très vieux souvenirs, comme les ruines de religions ensommeillées et une foule de détails, éberlués d'être ainsi célébrés.
A croire que, sous son air de seigneur,
impavide et magnifique, il est assez
fou d'orgueil pour ne vouloir sauver
du déluge qu'un seul animai, insaisissable et
chatoyant : la vie.
Moi aussi, impressionné par cet exemple, je lutte contre ma nature agitée et passe de plus en plus d'heures, la tête posée sur le Temps. je ne perds pas espoir : un jour je finirai bien par entendre la musique qu'il a trouvée en Hongrie ou ailleurs et qui fait danser sa ronde. En attendant, il m'aura appris a suivre, malgré le vacarme ambiant, le dialogue entre la gravite et la liberté. Merci a lui et a l'Europe de n'être plus déchirée par des rideaux métalliques.
Paris, février 1998
FRANÇOISE GILOT : Un peintre pour les peintres
2013 sera la célébration du centenaire de la naissance d’Endre Rozsda, date difficile à concevoir puisque pour moi la jeunesse intemporelle de son imagination reste à jamais présente et son lyrisme pictural ne fait que commencer à atteindre le public des amaterus d’art. Ce n’est que suite à sa mort qu’Endre Rozsda, le peintre franco-hongrois, s’est enfin vu attribuer la reconnaissance et la réputation qu’il méritait.
Endre Rozsda, tel Max Ernst, mais par des voies tout autres, est d’abord un artiste pour les artistes, c’est dire qu’avant de rayonner pour le public, ses toiles et le mystère qu’elles protègent ont besoin d’être déchiffrées par d’autres créateurs attentifs aux confidences d’un novateur plus qu’aux cris des bateleurs sur la voie publique.
Qu’il s’agisse d’Árpád Szenes, de Vieira da Silva, du sculpteur István Hajdu, du poète André Breton ou de moi-même, ce fut notre privilège de l’entourer de l’attention et de la compréhension nécessaire à un dialogue soutenu. Dans mon cas, il s’agit d’une amitié de presque toute une vie à partir d’une rencontre initiale en Bretagne en 1939 dans les premiers jours de la deuxième Guerre mondiale. Par la suite, j’eus l’occasion de commencer la peinture à l’huile dans son atelier de la rue Schoelcher et malgré les longues absences dues au déroulement chaotique de l’histoire du vingtième siècle, nous avons réussi à maintenir une communication artistique sans rupture et une amitié sans faille.
Sur les premières œuvres de Rozsda, l’on discerne d’abord ses traits
de pinceaux caractéristiques. Sa touche déliée se colore de plus en
plus, se libère et s’élargit de 1934 à 1939, présentant une certaine
affinité envers l’expressionisme Allemand.
C’est une période d’expansion à laquelle succède d’abord en 1940
une inquiétude exprimée à travers des portraits, le sien ou les deux
faits de moi précèdant de peu une véritable « descente aux enfers » :
des images saturées de couleurs incandescentes et sombres, reflets de
son angoisse existentielle et du drame historique qui l’entoure.
En 1943, il retourne à Budapest et assez vite malgré les difficultés
des temps, sa peinture renaît en quelque sorte, plus éthérée, plus
sublimée, plus musicale et dégagée des maîtres sous les auspices de
Béla Bartók.
Autant dans la première phase de 1934 à 1942, le sujet était
envisagé en vraie grandeur, vu de près et comme à bout portant,
autant à partir de 1944 et surtout de 1946, les formes échappent à
tout contexte naturaliste. Elles s’allègent et s’envolent, happées dans
un tourbillon lyrique. La composition se fait fugue musicale, se délite
et s’atomise, les éléments descriptifs, s’il en reste, appartiennent à la
flore ou à la faune plutôt qu’à la figure humaine et parviennent
jusqu’à nous sous un aspect fragmentaire.
A partir de 1957, l’année du retour de Rozsda à Paris, l’éclatement
de l’espace Euclidien est un fait accompli et commence alors la vraie
structuration très architectonique de l’univers intérieur de l’artiste.
Selon le mot de Paul Eluard, Rozsda n’observe plus, il va
« donner à voir ». C’est à partir de ce moment que le spectateur ne
peut plus se contenter d’un regard distrait et rapide envers un univers
de couleurs et de formes complexes qui s’entrelacent mutuellement
dans un mouvement dialectique constant.
Au fur et à mesure des années, le langage s’atomise, se stratifie et se développe. On pourrait même dire qu’il existe une fragmentation de l’espace sensoriel dont le remplacement progressif par un espace-temps existentiel et personnel fait certainement penser à La Recherche du Temps Perdu de Proust dans le domaine littéraire.
Dans ses œuvres tardives, le langage du peintre se stylise de plus en plus. Les formes-couleurs existent de plus en plus « en soi » et « pour soi », l’apport subjectif venu de la mémoire est mis en question hiérarchisé par des contraintes et des impératifs catégoriques de nature initiatique et métaphysique. Aux compositions semi-ouvertes des années précédentes succèdent des compositions de plus en plus fermées qui demandent plus qu’elles ne donnent à première vue. Il faut avoir la patience et la force d’en subir l’enfermement avant d’en apprécier la richesse substantive.
N’entre pas qui veut dans l’univers intérieur d’Endre Rozsda, il s’y trouve des fausses entrées et des fausses sorties et il faut être capable de supporter le « Huis Clos » et la mort des apparences pour rejoindre l’artiste dans une vision désormais intemporelle qu’il nous convie cependant parfois à partager. Endre Rozsda est comme la nature elle-même, il a horreur du vide et il aime à se cacher : à nous de savoir le découvir et d’entrevoir sa vérité occultée par un jeu savant de miroirs.
Chant et mort d'une écrevisse (1969)